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L’Assemblée nationale adopte notre résolution de lutte contre l’antisémitisme

Ce mardi 3 décembre, nous avons adopté la proposition de résolution visant à lutter contre l’antisémitisme portée par le groupe d’étude de l’Assemblée nationale, que je préside.

Elle permet d’endosser la définition de l’IHRA qui définit l’antisémitisme du XXIe siècle, car pour pouvoir le combattre il faut le définir.

Retrouvez mon discours prononcé devant la représentation nationale.

Seul le prononcé fait foi.

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Madame la Présidente de la Commission des lois,

Mes chers collègues,

J’ai l’honneur, après un travail de plus de deux ans du groupe d’études antisémitisme, transpartisan, que je préside, accompagné de mes 130 collègues cosignataires, de présenter devant vous une proposition de résolution visant à lutter contre l’antisémitisme.

Nous connaissons depuis longtemps, au sein des sociétés occidentales, le poison d’un antisémitisme qui s’est enraciné, durant des siècles, jusqu’à devenir un préjugé ancré dans l’esprit des individus.

Cet antisémitisme pluriséculaire, nos sociétés ont choisi de le combattre sans relâche depuis la Seconde Guerre Mondiale, en condamnant tous les appels à la haine et à l’oubli de la souffrance endurée par les juifs.

En 1990, la loi Gayssot et sa condamnation de la négation des crimes contre l’humanité fut une preuve de l’engagement de la France dans ce combat qui l’honore. Pourtant, depuis 15 ans, nous constatons que les paroles et les actes d’antisémitisme deviennent plus violents. Et que l’on recommence à tuer, en France, des juifs, parce qu’ils sont juifs.

En 2006, le jeune Ilan Halimi a été enlevé et torturé à mort parce que juif.

En 2012, quatre personnes, dont trois jeunes enfants, ont été tués devant une école à Toulouse, parce que juifs.

En 2015, quatre clients de l’hyperkasher de Vincennes ont été pris en otage et tués, parce que juifs.

Le 4 avril 2017 puis le 23 mars 2018, deux dames âgées, Sarah Halimi et Mireille Knoll, elle-même rescapée de la Shoah, ont été assassinées, à Paris, parce que juives.

En 2018, ce sont 541 actes antisémites qui ont été commis sur le territoire français selon le ministère de l’Intérieur. Une hausse de 74% par rapport à 2017. Mais ce chiffre, nous le savons, est largement sous-estimé, car les victimes ne portent pas plainte, pour de multiples raisons.

Aujourd’hui encore, 107 tombes du cimetière juif de Westhofen, dans la région du Bas-Rhin, ont été. profanées !

L’antisémitisme est une haine qui peut se caractériser par trois principes : elle est multiséculaire, génocidaire mais aussi protéiforme. Parce qu’elle se réinvente sans cesse, il faut constamment trouver les nouveaux moyens de la combattre.
Or les nouvelles expressions de l’antisémitisme ont toutes un point commun : elles avancent à coup de dissimulations. Elles prétendent utiliser d’autres mots et d’autres concepts. Tout comme il fut un temps où l’antisémite se disait « antidreyfusard ».

Comment aujourd’hui lutter contre ce fléau si l’on ne peut pas le nommer, le définir avec précision ? Les mots ont un pouvoir décisif ; c’est en nommant les choses que l’on est capable de s’y confronter.

Ainsi il nous faut apporter une réponse à cette question, essentielle : Qu’est-ce que l’antisémitisme du XXIe siècle ?

C’est justement le sens de cette proposition de résolution, visant à adopter la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA).

Notre résolution, qui exclut les exemples de l’IHRA pour illustrer la définition, a été votée par le Parlement européen en 2017 et endossée par le conseil de l’Union européenne en 2018. Depuis, 16 pays de l’Union européenne, l’ont adopté. La France a d’ailleurs voté en faveur de cette définition lors de sa discussion à l’IHRA, en 2016. Enfin, le Président de la République l’a officiellement endossée au dîner du Crif en février dernier.

Cette définition la voici :

« L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte. »

Cette résolution, n’est juridiquement pas contraignante, elle n’a pas vocation à l’être. Il n’est pas question de modifier le code pénal, ni la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Il s’agit, avec cette définition, de raffermir les pratiques de nos forces de l’ordre, de nos magistrats, de nos enseignants et de leur permettre de mieux appréhender l’antisémitisme qui prend, parfois, aussi, les traits de l’antisionisme.

Qui ne voit, ce que le terme « sioniste » signifie dans la bouche des pourvoyeurs de haine, dans la rue ou encore sur les réseaux sociaux ? Chacun en conviendra, lorsque Alain Finkielkraut se voit traiter de « sioniste de merde » et sommer de « rentrer chez lui à Tel-Aviv », ce ne sont pas ses positions politiques qui sont visées, mais ce qu’il est – juif.

Or nous ne pouvons permettre que se banalise l’inacceptable. Charles Péguy écrivait que la « chose pire qu’une âme perverse, c’est une âme habituée ».

Avec cette résolution, il sera possible de mieux qualifier les attaques antisionistes qui seraient motivées par une haine des juifs, sans pour autant empêcher les critiques à l’égard des politiques menées par l’État d’Israël.

Le discernement doit nous permettre la libre critique face aux politiques conduites par les gouvernements israéliens, tout en refusant les reproches adressés à l’État d’Israël au seul prétexte qu’il serait juif. C’est le discernement qui impose aussi de rappeler le nécessaire respect du droit international, tout en refusant de rendre les juifs collectivement responsables des politiques menées par les autorités israéliennes.

Je veux être clair devant vous. Nous pouvons, nous devons critiquer les politiques des gouvernements israéliens, sous tous leurs aspects, lorsque cela est nécessaire. Car critiquer Israël et sa politique, y compris la question de ses frontières, n’est pas un acte antisémite. Mais lui refuser le droit à exister en est un.

En France, nous avons toujours placé les libertés d’expression et d’opinion comme deux des valeurs les plus fondamentales de notre république. Mais la haine de l’autre n’est pas une opinion ; et une insulte antisémite ne doit pas être vue comme une preuve d’indépendance d’esprit mais seulement d’ignorance.

Il s’agit, avec l’adoption de cette résolution, d’éduquer, d’instruire, d’offrir une définition comme base sur laquelle les professeurs s’appuieront pour expliquer l’antisémitisme aux nouvelles générations, afin de leur apprendre où s’arrête la critique argumentée et où commence l’insulte, le délit.

L’adoption de cette proposition de résolution ne vise en aucun cas à hiérarchiser les discriminations ou les haines. Et je salue à ce titre, la création, décidée par la conférence des présidents, à l’initiative du président Le Gendre et avec le soutien du Président Ferrand, d’une mission d’information sur l’évolution des différentes formes de racisme et de discrimination qui existent aujourd’hui dans notre pays.

Pour ma part, je crois au pouvoir des mots et à l’éducation et je pense que c’est en nommant les choses que l’on peut transmettre leur sens et faire grandir l’humanité. Ainsi, la représentation nationale se doit de mettre des mots sur ce qu’est le nouvel antisémitisme.

A travers ce texte, il ne s’agit pas de diviser ni de stigmatiser, mais au contraire de nous rassembler pour faire corps avec nos fondamentaux, nos principes républicains : liberté, égalité, fraternité.

Il s’agit de proclamer haut et fort la fraternité universelle pour encore mieux lutter contre l’antisémitisme.

Chers collègues, la France doit s’honorer, aujourd’hui, de graver dans la pierre cette définition de l’antisémitisme, au même titre que nos partenaires européens.

Tel est notre devoir en tant que législateurs.

Tel est notre devoir en tant que citoyens.

Je vous remercie.

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