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Matières premières et technologies : l’Europe doit prendre sa place face aux États-Unis et à la Chine

Un nouveau monde économique a commencé, plein de défis pour l’Europe. Depuis fin 2020, à bas bruit, l’industrie mondiale est en voie de transformation, voire de déstabilisation.  Augmentation des prix des transports et donc des matières premières, avec en parallèle une digitalisation qui ne cesse de s’accentuer. 5G, composants électroniques : l’Europe est prise entre deux feux : États-Unis ou Chine ? Elle doit se réveiller pour exister de manière autonome sur le marché mondial. 

Dans le monde de l’électronique, souvent aux avant-postes des mutations, la demande mondiale est si forte pour toujours plus d’électronique dans tous les usages qu’il n’est presque plus possible de suivre. Les matières premières telles que les terres rares ne sont pas infinies et sont mal réparties sur la planète, mais les technologies sont également souvent mono-source et ne sont donc ainsi pas démultipliables à l’infini. La pandémie de Covid-19 n’a fait qu’accentuer cette situation, en déstabilisant profondément l’organisation mondiale de la sous-traitance, mettant à l’arrêt des pans entiers de production parce que l’un des éléments de la chaine était en arrêt suite à un confinement local.

Dans les mobilités électriques par exemple, un phare contient désormais 700 composants électroniques, soit 20 fois que les phares de la génération précédente . Concevoir de tels éléments technologiques nécessite de gros investissements industriels, ce qui n’est pas le cas actuellement. 

Outre la pénurie de matières premières et la complexité grandissante des éléments technologiques de nos sociétés, la politique américaine de partage du monde entre deux technologies, une américaine et une autre chinoise, est une grande menace pour l’économie européenne. Nous sommes placés face à une alternative délétère : acheter la technologie de pointe américaine ou bien celle de conception chinoise, moins pointue mais plus vaste et plus porteuse en termes de marchés, car très présente dans les pays émergents les plus dynamiques. Ce choix doit également tenir compte de la domination du dollar dans les échanges internationaux et de l’extraterritorialité du droit américain. 

Prenons l’exemple de la 5G. Le choix d’achat ne résidera plus dans une marque, mais dans le fait de choisir entre des composants électroniques (puces, circuits, mémoires, etc.) américains fermés à la vente sur le marché chinois, ou entre des éléments fabriqués en Chine mais interdits de vente aux États-Unis. Les prix vont nécessairement augmenter, de nos smartphones à nos voitures, de nos systèmes d’alarme à nos réfrigérateurs, du fait de la pénurie grandissante qui va se créer. 

Face à cette situation, l’Europe est bien trop passive. Si les programmes de batteries franco-allemandes ou d’hydrogène vont nous aider à être plus indépendants, nous sommes en train de perdre la bataille du contenant. Nous sommes une fois de plus trop tendres, trop peu prompts à valoriser nos atouts. A moins de nous réveiller, nos industries vont devoir ainsi choisir leur camp, entre l’Amérique et la Chine. 

Le monde de la technologie n’a jamais autant gagné d’argent qu’actuellement et drainé autant de capitaux. C’est maintenant que nous devons avoir une politique industrielle extrêmement agressive en Europe. Il faut prendre conscience que protéger nos technologies est un impératif de souveraineté et une source d’emplois, qui passera non seulement par investir massivement pour une autonomie industrielle, mais aussi par l’élaboration d’une chaine d’approvisionnement sécurisée dans un monde globalisé en pleine mutation. 

Pour cela, il faut élaborer une diplomatie européenne offensive, ayant pour objectif de créer des partenariats stratégiques avec les régions susceptibles de fournir notre Continent en matières premières pour nos industries. A l’image du CETA, il nous faut élaborer un nouveau pacte commercial avec les pays d’Amérique latine riches en ressources minières, facilitateur des échanges tout en étant respectueux de l’environnement.

Cette coordination européenne, elle doit aussi passer par une meilleure entraide des industries nationales plutôt que par une concurrence qui serait dommageable. Réfléchir comme une seule entité plutôt que comme une multiplicité permettrait de répartir plus efficacement les ressources obtenues par l’Union européenne. Pour cela, l’alliance européenne pour les matières premières annoncée par la Commission de l’UE en septembre 2020 peut constituer un outil utile, mais elle doit impérativement accroitre son champ d’action. 

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